En 2019, fidèle à mon parti qui avait choisi de présenter une liste indépendante aux élections européennes, je faisais ardemment campagne sur les marchés et au pied des immeubles.

Qu’ai-je entendu durant toute cette campagne de la part des électeurs de gauche ? « Vous êtes ridicules, avec vos cinq partis alignés ainsi sur le bord du trottoir, à dire la même chose mais dans la désunion. »

Nous voici en 2024, nous voici avec nos cinq listes de gauche, nous voici avec les mêmes électeurs qui nous regardent de façon méprisante, à juste titre.

Nous voici une fois encore à nous compter, à espérer être ceux qui obtiendront 10 %, à croire que nous ne serons pas ceux qui font 4 %. Dans quel but sinon sauver un poste de parlementaire européen ou deux ? Avec quel espoir sinon espérer être en tête du championnat de Ligue 2 ?

Nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu, oserais-je dire à la hauteur de l’Histoire quand on regarde l’avancée historique de l’extrême droite en France et partout en Europe.

Oui je suis en colère, car je connais déjà les commentaires au soir du scrutin, le 9 juin prochain : le Rassemblement National sera le premier parti de France, l’extrême droite aura progressé en Europe, l’élection présidentielle de 2027 en ligne de mire et le pronostic de la victoire de Marine Le Pen. Pourtant, la somme des scores de gauche aura été correcte, mais nous aurons abandonné la dynamique à nos adversaires. Une nouvelle fois nous aurons laissé passer l’espoir d’une victoire en 2027. Nous aurons tout simplement laissé tomber nos électeurs, abandonné les Français.

Serais-je le « peuple de gauche » que je boycotterais ce scrutin, préférant faire passer un message clair aux partis de gauche : « Cette fois, ça suffit ! Nous refusons de continuer à participer à vos petites stratégies minables qui nous conduisent tous dans le mur. »

Je suis en colère et j’ai honte de ce que nous faisons de l’Histoire.

Nous sommes en 1938 et nous préférons jouer au Monopoly en sirotant des Spritz.