[ Intervention au Conseil Municipal d’Alfortville – 14 décembre 2021 ]
Je ne vais pas lire le vœu in extenso bien sûr. Je voudrais juste, pour ceux qui nous regardent sur internet et qui ne connaissent pas forcément ce qui se passe au Chronopost d’Alfortville, rappeler un petit peu ce qu’il en est :
Historiquement, de juin 2019 à janvier 2020, des travailleurs sans-papiers du Chronopost d’Alfortville se sont mis en grève et ont organisé un piquet, devant l’agence et ont occupé le devant du site, sans en entraver l’accès ; donc pendant 7 mois, été, automne et hiver.
Au bout de cette lutte, 27 personnes sans-papiers de Chronopost ont été régularisées par l’ancien Préfet et 46 autres –qui s’était joints à la lutte mais qui ne travaillaient pas au Chronopost d’Alfortville– l’ont également été. 83 sont restés (pardon pour la trivialité) « sur le carreau ». Le piquet a donc été levé.
Aujourd’hui, pourquoi le piquet de grève se réinstalle devant l’agence Chronopost d’Alfortville ? En fait parce que le système a continué. Je rappelle qu’il s’agit d’un système organisé, avec le groupe La Poste (qui est un groupe d’État), qui a une filiale à 100% qui s’appelle Chronopost, qui ne gère pas ses agences (en tout cas pas celle d’Alfortville, ni un certain nombre d’autres) et qui sous-traite l’intégralité du travail à Derichebourg… qui lui-même sous-traite le recrutement à des agences d’intérim.
Le résultat de tout cela, c’est qu’au bout du bout de la chaine il n’y a aucune responsabilité, mais à la fin on embauche sciemment des travailleurs sans-papiers qu’on exploite. Je passe les détails mais enfin : des horaires de travail de type 2h du matin-7h, travail haché, travail pénible, etc. C’est une exploitation totale et évidemment il faut des sans-papiers pour cela.
Donc, à la suite de la lutte de 2019, aussitôt le piquet levé, évidemment Derichebourg (pour Chronopost… pour La Poste) a embauché d’autres sans-papiers. On peut déjà déplorer que l’inspection du travail n’ait rien fait, a commencé une enquête qui s’est arrêtée étonnamment et que du coup le système a perduré.
Ce même collectif, vivant la même chose sur un site en Essonne, a organisé le même piquet qu’à Alfortville en 2019.
Donc le piquet qui s’est réinstallé avec ce collectif vise à plusieurs choses :
Premièrement : défendre les travailleurs sans-papiers licenciés abruptement.
Ensuite, la lutte pour les 83 qui n’avaient pas été régularisés en 2019.
Et puis pour un point qui concerne tout le territoire français : la question de la dématérialisation des demandes de titres de séjour, qui est tout de même un problème assez massif dans notre pays. Pour « simplifier », on a décidé que toutes les demandes de rendez-vous en Préfecture pour les titres de séjour devaient passer par Internet. Sauf que le nombre de rendez-vous est largement insuffisant, pour ne pas dire qu’il est organisé pour l’être. Moyennant quoi, ceux qui ont un titre de séjour et veulent le renouveler se retrouvent du jour au lendemain sans rendez-vous –et donc sans papier et retombent donc dans le « sans-papiérisme ». Encore une fois c’est là un problème général et national mais que l’on voit aussi parmi ceux qui ont obtenu des papiers à Alfortville en 2019.
Donc cette lutte est triple.
Je voudrais dire quand même, au-delà d’Alfortville, que cette lutte est emblématique de ce qu’il se passe dans le pays et il faut qu’on réagisse. Quand je dis « on réagisse », ce n’est pas une question droite-gauche, ce n’est pas une question politicienne, ce n’est pas être pour ou contre l’immigration, ce n’est pas cela le débat en l’espèce. Il s’agit de gens qui sont là, qui sont chez nous : on n’est pas pour ou contre le fait qu’ils viennent ou ne viennent pas, ils sont là ! Et ils travaillent, dans des conditions difficiles. Et on les utilise tous les jours. Vous, moi, chacun d’entre nous, chaque Alfortvillais utilise ces gens-là, ces travailleurs sans-papiers. Tous les jours ! Chez Uber Eats, chez Deliveroo, chez Chronopost quand on commande chez Amazon, quand on se fait livrer, quand on va au restaurant, quand on fait construire un immeuble, dans le BTP. Bref, ils font fonctionner le système et on ne leur donne aucun droit. Donc, encore une fois la question n’est pas de savoir si on est pour ou contre l’immigration, pour plus d’immigration, moins d’immigration, pas du tout (tous ces débats nauséabonds, on ne va pas y entrer…)
La question c’est : ils sont là, ils sont indispensables à notre système, on les utilise, donc on doit leur permettre de vivre normalement au sein de la communauté nationale. On doit les régulariser !
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