Loi asile-immigration : soyons dignes de l’avenir

2003, 2006, 2007, 2011, 2012, 2015, 2016, 2018…

Nous voici donc à la huitième loi immigration/asile en quinze ans. Prétendant tantôt répondre à un « problème » posé par l’immigration, tantôt être à l’écoute des craintes de nos concitoyens, les gouvernements se succèdent et participent, par leur frénésie législative, à ancrer dans le débat public l’idée que les immigrés sont une source de difficultés pour le pays.

Macron n’échappe pas à ce vent et s’apprête à faire voter une nouvelle loi « asile/immigration », toujours plus restrictive, toujours plus rance.

Si l’on exclut la droite qui cherche à exister et Mélenchon que le sujet n’a jamais intéressé, l’opposition au projet de loi est impressionnante : toutes les associations et ONG, le défenseur des droits, Génération.s et d’autres voient dans ce texte un recul sans précédent des droits des exilés, avec le but évident de décourager les arrivées.

Dans le détail de la loi :

– Sous prétexte de chercher à réduire les délais d’instruction des demandes d’asile –ce que le gouvernement affiche comme une avancée– ce texte, dans la réalité, diminue objectivement les droits des demandeurs : abaissement à 90 jours du délai pour déposer une demande et à 15 jours du délai d’appel font fi de l’état de détresse des demandeurs, de la difficulté de se débattre avec une administration qu’ils ne comprennent pas, dans un pays qu’ils ne connaissent pas. Loin de permettre aux réfugiés un traitement plus rapide de leur dossier, cette loi vise à mettre des embuches supplémentaires sur un chemin déjà si difficile. Et que dire, en cas de refus initial, du recours qui peut devenir non suspensif pour certains ? C’est-à-dire qu’un premier refus vous rend expulsable avant même le résultat du recours.

– La fameuse circulaire du 12 décembre 2017, qui organisait des « visites » de tri dans les hébergements d’urgence et qui avait été dénoncée si fortement, est à présent inscrite dans la loi.

– Le doublement de la durée de rétention des personnes déboutées (de 45 à 90 jours) prétend augmenter le « chiffre » des expulsions, mais les faits sont têtus, ce ne sera absolument pas le cas : seuls 3% des détenus sont libérés à l’issue du délai légal actuel de 45 jours, les 97% restant ayant alors depuis longtemps été libérés ou notifiés d’une OQTF (« Obligation de Quitter le territoire Français) ! De deux choses l’une : soit le ministère de l’intérieur ne connait pas ces données et son incompétence est alors incroyable, soit il les connait parfaitement et alors il devient évident que cet article de loi ne cherche qu’à augmenter la souffrance des exilés en les enfermant inutilement.

– Le projet de loi prévoit de repousser l’intervention du Juge des Libertés et de la Détention (JLD) au-delà de 48H. Nous avions déjà connu cela sous Sarkozy/Besson : l’objectif est d’expulser au plus vite avant l’éventuelle décision contraire d’un juge. Rappelons utilement ici que plus de 50% des détenus en Centre de Rétention Administrative sont libérés par l’autorité judiciaire, ce qui montre à quel point la France abuse gravement de l’enfermement comme mode de gestion des exilés.

Il y a la loi. Et puis il y a les pratiques.

J’ai déjà parlé plus haut de la circulaire de tri du 12 décembre dernier. Mais il y a aussi l’action sur le terrain :

– Ces exilés de Calais qui n’avaient pas d’accès à l’eau potable, situation déjà insupportable quand on a deux onces d’humanité, ce qui n’est pas le cas de Collomb/Macron qui n’avaient pas jugé utile la moindre installation d’eau. Le tribunal administratif qui ordonne d’installer des robinets. L’État qui fait appel  de cette décision (!) Le Conseil d’Etat qui confirme l’obligation d’installation de points d’eau. Et, en trainant les pieds, Collomb/Macron qui finissent par s’y résoudre. Au cœur de l’été dernier, une séquence honteuse pour tout notre pays, quand le Conseil d’État qualifiait de « traitements inhumains et dégradants » à l’égard des exilés l’attitude de l’État.

Ces enfants qu’on continue à enfermer dans les CRA, bien que la France ait été cinq fois sanctionnée pour cela par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Le harcèlement policier à Calais : gaz lacrymogène contre les migrants, contre leurs couchages, parfois leur nourriture.

– Tous ces mineurs isolés que nous laissons dans les rues de Paris, sans autre aide que celle d’associations citoyennes et d’ONG, de façon aussi inhumaine qu’illégale, que des juges pressés finissent par estimer majeurs en dix minutes et avec des arguments invraisemblables.

– Ces citoyens à l’humanité débordante qui aident leurs frères humains perdus et traumatisés, mais que l’État poursuit en justice comme des malfrats : délinquants de la solidarité.

– Ces accords européens ignobles avec la Libye pour maintenir les exilés dans l’esclavage à Tripoli.

Ils ont connu l’enfer. Celui de vivre dans un pays en guerre, dans une dictature, en état de famine, sans ressource. Celui de devoir quitter leur foyer. Celui de la route à travers le continent africain. Celui de la Libye, de l’esclavage, du racket, de la torture, du viol. Celui de la traversée d’une mer hostile dans un bateau en plastique. Celui de l’enfermement à l’arrivée en Europe. Des mois ou des années dans plusieurs enfers. Et à l’arrivée, la France leur offre un enfer de plus : celui de notre mépris. Peut-être le pire, car le dernier.

Quand bien même l’opinion publique tendrait-elle aujourd’hui à valider cette politique sans humanité, l’Histoire, elle, ne pardonnera pas aux auteurs de cette séquence indigne. Mes amis, soyons plus forts que l’opinion majoritaire, soyons plus dignes que cette droite moisie au pouvoir, soyons fiers de nos valeurs, regagnons le terrain culturel de l’humanisme. L’avenir nous donnera raison.

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