Quand Thomas Piketty, interrogé il y a quelques jours sur la réforme des retraites, a « soulevé le lièvre » des plus hauts salaires qui ne cotiseraient plus que 2,8 % pour les retraites, le gouvernement a crié à l’unisson à la fake news. Depuis la majorité a changé de pied et martèle à l’unisson -éléments de langages bien rodés obligent- qu’il s’agit au contraire d’une mesure très « sociale ». La vérité, c’est que cette mesure n’est ni sociale ni anti-sociale mais représente un coin de plus dans le démantèlement de la solidarité entre tous les citoyens.
Aujourd’hui, jusqu’à 320.000 € par an, salariés et employeurs cotisent 27 % pour la retraite. Demain, le plafond sera abaissé à 120.00 € et la cotisation au-delà de ce plafond sera réduite à un petit 2,8 % de solidarité. Une aumône. En clair, au-delà de 10.000 € par mois, vous ne cotiserez plus pour votre retraite, mais contribuerez (pour très peu) au système général(*).
Ce qui fait dire au gouvernement : « Ce n’est pas un cadeau puisque les plus aisés, certes économisent le montant des cotisations, mais ne bénéficient pas de la retraite correspondante ».
Sauf qu’à l’évidence ces derniers auront tout le loisir avec l’argent économisé de souscrire à l’une des assurances privées du marché. Assurances privées que ce même gouvernement a grandement favorisées dans un texte passé en octobre à l’Assemblée Nationale. Assurances privées que Jean-Paul Delevoye côtoie de très près, comme l’a révélé le Parisien la semaine dernière. La boucle est bouclée : je les fréquente, je fais une loi qui facilite la souscription, je fais une deuxième loi qui oblige quasiment les plus aisés à souscrire.
Bien plus grave qu’un cadeau aux riches, cette mesure -une de plus, après la flat tax, la suppression de l’ISF, etc.- démontre qu’Emmanuel Macron accompagne et accentue la volonté des plus riches de faire sécession : pendant que les gens « normaux » se partageront 14 % du PIB pour leurs vieux jours, d’autres dérivent et capitaliseront en dehors du système.
Il ne s’agit donc pas d’une question technique de pouvoir d’achat ou de budget. C’est la République une et indivisible qui est en jeu.
(*) La CFE-CGC elle-même dit : « Nous [les cadres] n’avons jamais demandé à être exonérés de cotisations. Le gouvernement se prive de 2-3 milliards au moment même où l’on dit que le système est en déficit«