Les cheminots. La République.

La bataille pour les services publics est lancée. Dans la novlangue habituelle du gouvernement, il n’est question que de modernité, d’évidences économiques et surtout de transférer le débat vers le statut des cheminots, alors que ce qui est à l’œuvre est évidemment bien plus vaste, il s’agit de notre République, rien de moins.

Puisque la retraite des cheminots est devenue LE débat médiatique, évacuons-le d’entrée en rappelant la vérité : pour pouvoir toucher une retraite à taux plein, les employés de la SNCF doivent cotiser 41,5 ans, comme tout le monde. Il n’est donc en rien question de retraite à 52, 55 ou 57 ans, sinon en théorie et donc sans rapport avec la réalité. Ce statut n’a rien à voir avec ce qui se joue, il sert de paravent médiatique pour masquer les intentions de Macron, Philippe et Le Maire : le gouvernement vend la France. Le service public, qu’il feint de louer, est à vendre. Dans son intégralité. SNCF, Aéroports de Paris, Française des Jeux, Engie, tout y passe.

Pourtant, la valeur des parts de l’État dans les sociétés cotées en Bourse s’est appréciée de 10 % en 2017, soit 6 milliards d’euros de plus-value ! Le privé peut se frotter les mains, il va récupérer des entreprises très rentables, financées par des décennies d’investissements publics, donc nos impôts. Le credo libéral, « mutualiser les dettes, privatiser les profits », n’aura jamais été si bien appliqué.

Dans son projet pour la SNCF, le gouvernement jure qu’il n’est pas question de privatisation. Faut-il rappeler en guise d’exemple que Sarkozy nous avait joué la même partition avec GDF en 2007 ? La main sur le cœur, il jurait qu’il ne s’agissait que d’un changement de statut et d’ouverture du marché à la concurrence. A ce jour, Engie c’est moins de 25 % d’État dans le capital. Et Macron cherche encore à baisser cette participation. La SNCF suivra la même voie, celui qui le nie est un menteur ou un naïf.

Aujourd’hui, la SNCF est sommée d’être rentable. Les hôpitaux également. Par souci d’économie on ferme des tribunaux. Doit-on citer aussi la Poste, démantelée, rabougrie ? La liste des services publics démantelés sous couvert de « rationalisation » est trop longue pour être égrenée ici.

Dans cet environnement prétendument « moderne », le Parisien reste à l’aise : il prend son Uber, se fait livrer en une heure par Amazon, se rend sans difficulté dans les hôpitaux, trouve un médecin ou la Poste au coin de sa rue. Tout son environnement est à portée de main. Mais que dire aux habitants des Ardennes, de Dourdan, de Remiremont ou de Bellac ? Ce gouvernement les ringardise, les archaïse, les renie au fond. C’est inacceptable, ils sont la France au même titre qu’un cadre aisé du 2ème arrondissement de Paris.

Au-delà des intentions plus ou moins déguisées du gouvernement, c’est de l’égalité qu’il s’agit. Oui, nous devons payer plus pour les lignes de chemin de fer de Privas ou de Saint-Dié. L’égalité, ce n’est pas l’égalité de moyens, c’est l’égalité de fait. Oui, nous devons dépenser plus pour nos banlieues ou nos zones rurales. Tout autre choix conduit à l’accroissement des inégalités.

Dans cette bataille du rail, c’est bien de la République qu’il s’agit. La République n’est pas qu’un joli mot, c’est la réalité de la société que nous voulons être tous ensemble. Un espace dans lequel les bien-portants payent pour les malades, où ceux qui travaillent cotisent pour ceux qui perdent leur emploi, où les territoires riches contribuent au développement des zones défavorisées. Si tel n’est plus le cas, nous ne serons plus une République, nous ne serons plus une Nation ; nous ne serons qu’une agrégation d’intérêts particuliers et divergents. Ce jour-là, la France ne sera plus. C’est pourquoi les luttes des cheminots, des personnels de santé, de justice, des enseignants, des étudiants, des collectivités locales ne forment qu’un seul combat : celui de notre vivre-ensemble.

Nous devons TOUS mener ce combat.

2 thoughts on “Les cheminots. La République.

  1. Merci Etienne pour la clarté des enjeux que tu décris. C’est l’unité de notre pays qui est mise en danger par les inégalités. Le sens unique des réformes en cascades violentes, c’est une tempête abêtissante dont on risque de se réveiller dans le cauchemard des régressions pour beaucoup et des privilèges pour une minorité. La défense du sens de la républicaine sans faire du pathos; il faut faire appel à la définition du pacte social qui fonde la république :
    « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale, et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout » JJ Rousseau

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